Boire local façon Bilboquet
Éric Chenette est dans l’industrie brassicole québécoise depuis 23 ans. Il fait partie de ceux qui, à l’époque, ont démarché auprès d’épiceries et de dépanneurs pour qu’ils osent mettre de la bière locale sur leurs tablettes. De ceux qui ont travaillé fort pour faire connaître un produit bien d’ici en lequel ils croyaient dur comme fer.
Maintenant, il profite de l’engouement pour les bières micro-brassées, qu’il a lui-même participé à créer, en occupant le poste de directeur des ventes de la microbrasserie Le Bilboquet. Sa mission personnelle est la même qu’il y a 20 ans : promouvoir le mouvement «Boire local».
Comment êtes-vous arrivé dans le domaine de la bière?
C’est tout un concours de circonstances. Je sortais des études et on m’a tout de suite offert un poste de marchandiseur dans une brasserie québécoise pionnière dans le domaine. C’est vraiment le poste en bas de l’échelle. Ensuite, si tu travailles fort, tu montes les échelons : tu deviens représentant, puis chef de marché, puis directeur des ventes…
À l’époque où j’étais représentant, j’avais été affecté au Plateau Mont-Royal. Il y a 20 ans, c’était considéré comme le «hotspot» de la bière microbrassée au Québec. Ce quartier est réellement précurseur dans l’industrie de la bière de micro. Les gens qui y habitaient avaient envie de goûter à de nouvelles affaires, mais aussi d’encourager l’achat local.
Puis, 18 ans après avoir commencé dans l’industrie, François Grisé, le fondateur de la microbrasserie Le Bilboquet, aujourd’hui décédé, m’avait appelé pour me demander conseil. Il s’apprêtait à ouvrir sa nouvelle usine, il avait besoin d’un plan marketing solide. C’était un ami à moi, donc j’ai dit oui. Il a tellement aimé ce que je lui ai proposé que j’ai eu le poste de directeur des ventes. Ça fait maintenant 5 ans de ça.
Comment décrivez-vous le portfolio brassicole du Bilboquet?
On est vraiment des spécialistes du malt. On a des brassins classiques, comme de la rousse à l’anglaise, une bière de blé Hefeweizen de type allemande, des stouts à l’avoine et au café, des brassins plus costauds, élevés en barriques. Notre bière phare est une scotch ale au miel, la MacKroken Flower.
Parlez-moi de votre fameuse collaboration avec le balado La poche bleue de Guillaume Latendresse et Maxim Lapierre?
Quel beau projet! On a développé une bière pour les deux anciens joueurs du Canadien de Montréal, qui ont maintenant leur propre balado, La Poche bleue. Pendant la pandémie, ils avaient vraiment envie de faire rayonner les bières locales et nous ont approchés pour qu’on leur en développe une. Ils nous ont dit ce qu’ils avaient envie de boire et nos brasseurs leur ont développé une recette unique. De la première réunion jusqu’à l’embouteillage de la bière, ce projet nous aura pris… un mois! Tout est allé super vite, tout le monde voulait que ça marche et l’énergie y était. Cette collaboration nous a vraiment donné un second souffle. Les gens ont redécouvert nos produits grâce à la bière Poche bleue.
Quelles tendances avez-vous pu observer au niveau de la bière de micro dans les dernières années, vous qui travaillez dans l’industrie depuis plus de 20 ans?
Les goûts changent rapidement. Il y a deux ou trois ans, les stouts riches et goûteuses étaient super en vogue. En ce moment, je dirais que les IPA, surtout les NEIPA, ont vraiment la cote. Mais ça commence à s’essouffler. J’ai l’impression que la prochaine grande tendance, ce sera une bière québécoise. Réellement québécoise. On parle de levures québécoises, de houblons québécois, d’orge, aussi. On commence à y penser.
Selon les derniers chiffres que j’ai pu consulter, il se produit environ 1000 nouvelles bières de micro par année. Mais un grand, grand consommateur de bières de micro va en boire environ 250. Le marché se sature.
Dans ce cas, comment est-ce qu’une microbrasserie fait pour rester pertinente?
Ce qui fonctionne pour nous, c’est d’avoir un portfolio serré, pas trop éparpillé. La nouveauté, si elle n’est pas récurrente, elle n’est pas rentable. On a 17 bières régulières et on s’en tient à ça. On va en retirer deux par année qui, selon nous, ne reflètent plus le goût du jour pour en introduire deux nouvelles, plus tendance. Les brasseurs sont des artistes, ils sont créatifs et ont beaucoup de plaisir à élaborer de nouvelles recettes. Cependant, ça leur prend une équipe solide derrière eux et un gestionnaire qui saura encadrer le tout, afin de ne pas se perdre dans le lot.
Qu’est-ce que ça veut dire pour vous, boire local?
Boire local, c’est tellement plus qu’encourager une microbrasserie. C’est toute une industrie que tu fais travailler, du brasseur jusqu’au gars qui produit nos fermenteurs, des mécaniciens qui font l’entretien de notre équipement et même des distributeurs. Tellement, mais tellement de monde vivent de cette belle industrie.
Je dirais aussi que maintenant, il y a tellement de professionnalisme dans l’industrie, tellement de bons brasseurs et tellement de choix de bières différentes que les gens n’ont plus le luxe de dire qu’ils n’aiment pas la bière microbrassée.
Pour découvrir toutes les bières de la microbrasserie Le Bilboquet et ainsi étancher votre soif de boire local, c’est par ici!